Panthéon des Tuatha Dé Danann : guide (vraiment) complet
La grande famille divine où tout le monde a des pouvoirs, des secrets, et une relative propension à régler les conflits à coups de sortilèges.
Les Tuatha Dé Danann — littéralement « les tribus de la déesse Dana » — constituent la grande aristocratie divine de l’Irlande médiévale. Ils sont l’équivalent, dans l’univers celtique, de ce que seraient les Olympiens en Grèce :
une élite surnaturelle brillante, puissante, légèrement imprévisible, profondément civilisatrice et parfois franchement susceptible.
Ils arrivent en Irlande « enveloppés dans un nuage » (allégorie poétique d’un peuple étranger mythifié), remportent la Seconde Bataille de Mag Tuired contre les Fomores, règnent un temps, puis se retirent dans le Sidh, l’Autre Monde lumineux, où ils deviennent les dieux tutélaires de l’île.
Ce panthéon n’est pas figé : selon les textes, certains dieux changent de fonction, fusionnent, se dédoublent ou se résument à une seule allusion dans un manuscrit perdu. Mais leurs archétypes sont désormais bien établis.
1. La triade souveraine
Dagda — le Bon Dieu (et parfois très bon vivant)
Fonction : père des dieux, seigneur du temps, maître de l’abondance.
Attributions : chaudron inépuisable, massue qui tue d’un côté et ressuscite de l’autre, harpe qui règle les saisons.
Caractère : jovial, gigantesque, d’un appétit aussi vaste que son savoir.
Le Dagda est l’axe du panthéon. Il incarne la souveraineté totale, à la fois politique, magique et cosmique. C’est un dieu constructeur, organisateur et… assez facétieux. Son chaudron magique fournit nourriture, inspiration et immortalité.
Il peut être comparé à Zeus, mais avec une meilleure cuisine.
Nuada Airgetlám — le Roi Idéal (et son bras d’argent)
Fonction : premier roi des Tuatha Dé Danann.
Attribut : bras d’argent forgé par Dian Cécht.
Caractère : noble, juste, un peu tragique.
Nuada perd sa main lors de la Première Bataille de Mag Tuired ; or un roi imparfait ne peut régner. Son bras d’argent le rétablit dans sa légitimité, puis son bras de chair — réincarné par la magie — le rend digne une seconde fois.
Nuada représente la souveraineté éthique, l’équilibre, la loi divine.
Lugh — le Polytechnicien lumineux
Fonction : dieu de toutes les arts et compétences.
Attributs : lance ardente, fronde parfaite, serment infaillible.
Caractère : brillant, polyvalent, souvent trop doué pour être supportable.
Lugh « Samildánach » (« aux mille talents ») est celui qui sait tout faire : poésie, guerre, arts, magie, musique.
Il devient roi après Nuada et mène les dieux à la victoire contre les Fomores.
Solaire, jeune, triomphant, il incarne la royauté charismatique et guerrière, proche des grands héros indo-européens.
2. Les déesses majeures : souveraineté, guerre et inspiration
Morrígan — la Grande Reine (ou la très redoutable)
Fonction : prophétie, guerre, souveraineté.
Attributs : formes multiples, corbeau, magie territoriale.
Caractère : impénétrable, terrifiante, absolument fascinante.
Elle est triple : Badb, Macha, Morrígan, trois faces d’un même archétype féminin guerrier.
La Morrígan protège l’Irlande comme une louve, inspire panique ou fureur, prophétise les destins. Elle est la Sovereignty Goddess, la terre elle-même qui choisit ses rois.
Boann — la Mère Fluviale
Fonction : création, fertilité, inspiration poétique.
Attribut : la rivière Boyne.
Caractère : douce mais puissante.
Boann, épouse d’Elcmar et amante du Dagda, donne naissance au poète-dieu Oengus. Elle représente le génie de la rivière, la création continue, la mémoire liquide du territoire.
Brigit — la Très Haute, la Lumineuse
Fonction : poésie, feu, forge, guérison.
Attributs : brebis, flamme inspiratrice.
Caractère : maternelle, protectrice, multiple.
Brigit est l’une des déesses celtiques les plus anciennes et les plus influentes. Elle incarne l’inspiration, la médecine, et les arts du feu.
Christianisée sous la forme de Sainte Brigitte, elle n’a jamais cessé d’être vénérée : un comble pour une déesse païenne devenue sainte majeure.
3. Les artisans divins et les maîtres du savoir
Dian Cécht — le Médecin suprême
Fonction : guérison, chirurgie, régénération.
Attribut : puits de soins magiques.
Caractère : précis, inflexible, un peu jaloux de son fils.
Dian Cécht soigne les dieux après la bataille, crée le bras d’argent de Nuada, et dispute souvent la place à son fils Miach.
C’est le représentant de la science médicale sacrée, entre herboristerie, magie et chirurgie.
Goibniu — le Forgeron immortel
Fonction : forge, armes, festins immortels.
Attribut : marteau infaillible.
Caractère : fiable, méthodique, artisan divin.
Avec Credne (orfèvre) et Luchta (charpentier), il forme la triade des artisans divins.
Ses armes sont parfaites, ses festins rendent invincibles : un dieu particulièrement apprécié en temps de guerre.
Ogma — le fort et lettré
Fonction : éloquence, écriture, force.
Attribut : invention de l’Ogham.
Caractère : érudit et guerrier.
Ogma, parfois frère du Dagda, combine force héroïque et verbe puissant. Il est à la fois champion de guerre et créateur de l’alphabet oghamique.
Le parfait mélange celtique : muscles, poésie, mémoire.
4. Les dieux du territoire et de l’Autre Monde
Oengus / Aengus — le dieu de l’amour et des illusions
Fonction : jeunesse éternelle, beauté, ruse poétique.
Attribut : baiser qui se transforme en oiseaux.
Caractère : charmeur, mystérieux, improbable.
Fils du Dagda et de Boann, Oengus incarne la jeunesse éternelle et l’amour.
Il dirige le Sidh de Brú na Bóinne (Newgrange) et maîtrise une magie subtile, faite de transformation et de charme.
Un dieu aussi élégant qu’énigmatique.
Manannán Mac Lir — le Souverain de l’Autre Monde marin
Fonction : transitions, navigation, régences du Sidh.
Attribut : manteau d’invisibilité, cheval marin, navire intelligent.
Caractère : calme, omniprésent, plein d’humour discret.
Bien qu’il ne soit pas toujours compté parmi les Tuatha Dé Danann, il est leur grand régisseur, gardien du passage entre les mondes.
Il incarne l’Autre Monde transmarin, le royaume du possible et du temps différent.
Bodb Derg — le roi du Sidh
Fonction : souverain après la défaite des Tuatha Dé Danann.
Attribut : résidence dans le Munster.
Caractère : judicieux, diplomate.
Après l’arrivée des Milesiens, les Tuatha Dé Danann choisissent Bodb Derg comme roi du Sidh.
Il devient la figure politique majeure de l’Autre Monde.
5. Les figures plus discrètes (mais essentielles)
Étan / Étaín — la divine reine réincarnée
Déesse solaire, symbole de beauté, elle traverse le temps et les renaissances. Son histoire — amour, jalousie, métamorphoses — est l’un des récits les plus élégants du cycle mythologique.
Airmed — la guérisseuse florale
Sœur de Miach, elle connaît toutes les plantes du monde. Sa mythologie évoque un savoir médical perdu, étouffé par la jalousie de Dian Cécht.
Miach — le médecin surpassant le père
Fils génial de Dian Cécht, il recrée pour Nuada un bras de chair parfait. Il représente le renouvellement du savoir, souvent combattu par l’autorité.
Creidne, Luchta — artisans du peuple divin
Sans eux, aucune arme sacrée, aucune porte du Sidh, aucune grande construction.
6. Organisation générale du panthéon
Si l’on devait résumer la structure divine (ce que les auteurs médiévaux n’ont jamais fait, mais que les comparatistes envisagent), on obtiendrait :
1. Souveraineté
Dagda
Nuada
Lugh
Morrígan
Brigit
2. Compétence / artisanat / savoir
Ogma
Dian Cécht
Goibniu, Credne, Luchta
Airmed, Miach
3. Jeunesse, poésie, beauté, amour
Oengus
Étaín
Midir
4. Autre Monde / médiation / frontières
Manannán Mac Lir
Bodb Derg
Un ensemble cohérent, souple et fluide, où chaque divinité illustre une fonction indo-européenne, un pan du cycle sacré, ou un aspect du paysage mythique irlandais.
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